dimanche 5 février 2012

Il est douloureux de ne plus écrire, ces boules et des boules de neige dans la gorge qui ne fondent pas.

lundi 8 mars 2010

La mort a mordu les poignées de portes, elle coule dans les égouts, et se mêle à la fétide odeur de l'hypocrisie générale .
Mais l'armée lui a porté au travers de son bouclier factice un coup fatal.
Les papillons aux doigts de roses rampent désormais. Les chenilles volent. Il en faut peu pour être heureux.

samedi 30 janvier 2010

Une poignée d'hommes s'étaient approchés d'elle. Personne ne s'en était approché depuis longtemps. Leurs pas sur le sol rocailleux polluaient l'air de bruit. Ils étaient pauvres. Le ciel était grand, beau comme il aimait l'être les nuits d'été. Et la lune en son milieu était un gros œuf ayant éparpillé centaines d'étoiles autour d'elle. Rien n'était plus beau que l'univers.
Ils ouvrirent la porte et entrèrent. Les murs étaient tapissés de bougies jaunâtres dégoulinantes de cire, avec juste assez d'espace entre elles pour faire briller de petites perles de feu. Des murs bavait une cire brillante et odorante comme un épais miel, qui venaient aux pieds, attirée par la gourmandise. On leva la tête. Il était là, grand courbant un vieux dos squelettique. Ses cheveux tombaient sur sa nuque en cascade et quelques boucles faisaient de l'ombre à son visage jusqu'à ses lèvres. Ses yeux, bien visibles cependant, étaient fantômes, et grands et transparents, étayaient les fumées et les peuples dans son unique regard. Le Christ régnait en maître doré, cloué par quatre fois.
Rien n'était plus beau que l'univers.
La multitude entrait toujours, et l'on se mit devant lui, même si la cire brûlait l'épiderme. Qu'importe. On rampait, et on pointait de longues mains sèches sur les genoux saillants du Fils. Des pellicules d'or adhéraient aux doigts, signe d'un Dieu poreux, usé par la succession infinie des siècles de l'homme. Tout tournait, hélas. Le temps le premier. La cire coulait encore, et sa couche se faisait plus épaisse, mais ils entraient, par dizaines, les pupilles toutes verticales, pleines de vide, les bouches édentées grandes ouvertes, s'entassant vers lui pour regretter leur existence.
Les gigantesques vitraux multicolores de la porte se brisèrent sous leur peine. Leur audace était trop tardive. La pluie dehors frappait fort sur leurs crânes encapuchonnés, il y avait au sol des miroirs de pluie qui les renvoyait à la chapelle. La cire était devenue brûlante et coulait de plus belle, amaigrissant les bougies, elles recouvraient bientôt leurs chairs pauvres et amères.
Et la mort brillait autour du Christ comme une aura enchanteresse. Lumière.
Rien ne paraissait plus beau que l'univers.
De la clarté. Du sec. De l'eau, des couleurs, du blanc. Du papier des tâches, un peu.
Des rues, du soleil, des yeux. Des agrumes. Des pâges. des citadins. Du parfum. Des tissus. Des certitudes. Des passants, derrière. Des rires.


Du vent...

jeudi 1 octobre 2009

Mastarda

La femme à la perruque rouge entra, le visage aussi écarlate que sa coiffe.
- Dans les roses, Mastarda ! lui dit-il.
- Ô oui, Empereur de mes cauchemars.
Elle coucha son dos laiteux sur sur les fortes roses du plateau géant. Puissances mystérieuses, les fleurs froissèrent infiniment leurs regards de cœur et empoignèrent la vilaine par la peau. Celle ci, saignée de tout côtés, s'évapora noirâtre dans un soupir d'exaltation.
La couronne de l'autre brillait, comme pour narguer les spectateurs.

mardi 1 septembre 2009

Le Cirque

Les trois jeunes hommes rentrèrent main dans la main dans l'étroit corridor aux tapisseries baroques et montèrent au grenier par le petit escalier menant à la trappe. L'odeur du linge et du bois mêlés à celle très lourde et forte du cuir étouffait la pièce. L'oxygène, poussiéreux, entra en eux comme une nuée d'insectes. Ils s'assirent ensemble près d'un vieux coffre en cuir pourpre capitonné.
Le premier homme était maigre, tout en peau et en os. Les clavicules saillantes de son cou et de ses genoux révélaient une ossature pointue sous une peau où la chair était bannie. Son visage, entouré de méches ondulées de cheveux noirs et courronant le haut squelette de l'homme, restituait l'ambiance sinistre des cimetières deserts. Mais ses grands yeux gris étaient de ceux qui, miroir de tristesse, entraient en vous et, comme les machines des foires qui aggripent sans succès les cadeaux, paraissent vouloir vous aggriper le coeur. À vrai dire, l'homme allait de pair avec la poussière sèche du vieux plancher mais ses yeux humides comme ratachés aux fins ruisseaux qui parcourent les fôrets à la fin de l'hiver.
Le deuxième homme, plus petit, portait sur son visage l'expression de celui qui, sans avoir beaucoup vécu, est bel et bien vivant. Son teint bis accentuait le vert bouteille de ses yeux en amande. Il vous regardait avec candeur. L'homme inspirait la simplicité, à vous de décider laquelle des connotations du mot. Il ne pouvait être que gentil, assis en tailleur les mains sur ses genoux, déstiné à sourire toute sa vie.
Le troisième homme ne lui ressemblait pas. Il était de stature moyenne et avait de petits yeux noirs et globuleux. Un regard accusateur et méchant. Des sourcils déçus. Des cheveux courts, en bataille. De petites lèvres qui rappelaient le bouton de rose. Celui qui, au centre du rosier, ne reçoit pas le soleil et n'éclot jamais.
Les trois hommes décidèrent, d'un commun et taciturne accord, d'ouvrir le coffre autour duquel ils s'étaient dispersés. Le troisième homme s'était assis au centre et les deux autres l'entouraient patiemment. Celui-ci ouvrit péniblement le coffre. Un nuage de particule de poussière moutonna un instant parmis eux. C'était un ammoncellement désordonné de photographies anciennes, de colliers, de broches, de draps blancs, de livres jaunes et racornis. Des bras curieux y plongèrent des mains tout aussi curieuses : de petits sacs de cuir brun à la mode de l'époque, des cintres, une longue robe saumon brodée sur le décolleté qu'ils levèrent à la lumière de la minuscule fenêtre du grenier, une boîte en fer, un vieil argentique fissuré, des pièces de monnaie, des petits carnets de compte... Le passé, envoutant comme un charme magique, s'échappait du coffre et, tel un gaz, s'étendait pleinement dans l'air, écartant et humidifiant les yeux de ceux qui entraient en contact avec lui et les remplissant d'une pointe de mélancolie. On passait de longs doits prudents sur les photos. Des voyages, des paysages, des amis, des instants. On prenait les colliers entre ses phalanges. Leurs perles roulaient sur la peau. L'un deux céda au temps et une fontaine de perles de nacres ricocha sur le sol craquant. Le passé commencait à anéantir l'oxygène du présent, s'étalait ans l'air et alourdissait des souvenirs inconnus. L'Homme ferma le coffre. Car les trois n'en formaient qu'un. La langue fraîche du présent passa sur eux : moi, moi, et moi. Le passé était beau mais il fallait le laisser aux cuirs des gros coffres qui le contiendrait correctement.
Le deuxième homme pris le premier entre ses bras, et le carressa de ses deux mains en remontant, le laissant bouché bée mais relaxé. Ses longs doigts sentirent la peau brûlante de l'autre : un sang bouillant tournoyait à l'intérieur de son corps maigre sans pouvoir l'exprimer. Il monta, passa sur ses côtes, les compta : une, deux, trois ... puis arriva en haut de son cou et serra sa gorge comme on serre une colombe. Les fines lèvres du premier tremblaient. Le troisième s'approcha d'eux et les fit s'embrasser. Les lèvres froides et chaudes unies firent dévier leurs corps tremblants. Les yeux gris brillants de sel du premier fondirent. Il s'était révélé à lui-même, à l'Autre. Le troisième, perdu, entièrement nu, se jeta sur eux.
Calme, je redescendis du grenier, l'estomac tout retourné. Je fermai précautionneusement la trappe. Mes trois eux tremblaient dans mon ventre. Je ressentais à la fois une sensation de vide et de satisfaction. Je jouai à nouveau ma propre musique, celle d'un cerveau purulant et ensanglanté. Les gens m'observaient, comme ils observent depuis toujours. Leurs préjugés glaçent leurs orbites pleins de veines pâles. Et c'était tant mieux pour moi. Ils jugeaient de ce qu'ils voulaient. Je suis un cirque pour moi-même mais pas pour les autres. Il n'y a jamais eu de tickets en vente et il n'y en aura jamais. C'est un cirque privé, seuls quelques visites, secrètes on été autorisées depuis son édification. Quelques unes.

mercredi 26 août 2009

Réalité

Je suis allongé sur ce grand lit. Ma chambre aux murs immaculés a comme instauré le règne d'un silence de roi. Seuls les arbres du bois, comme des grands seigneurs qui chuchotent au loin, bruissent gravement de leurs centaines de feuilles. Je suis sur le dos, les yeux ouverts en direction du plafond blanc. Le plafonnier qui y est suspendu pointe vers moi un oeil d'une incandescence menaçante, portant à sa droite une ombre longue et etirée. Dehors, la nuit coule sur le ciel et la recouvre peu à peu d'une matière fluide et étoilée. Je ferme les yeux. L'empreinte de l'ampoule se fixe sous mes paupières et clignote d'un bleu fluorescent. Je pose alors les paumes de ma main sur mes paupières et les presse très légèrement. Sur les bords de l'écran noir apparaissent des filaments frétillants de couleur mauve qui s'étendent bientôt vers le centre, donnant naissance à leurs frères roses, verts et bleus et s'entremêlant avec eux de manière éléctrique. Un anneau orange perce le centre et s'étend vers les extremités, laissant entrevoir à l'intérieur de son cercle des motifs blancs et noirs éclairés par une faible lumière violette. Ces motifs tournent sur eux-mêmes, je suis comme attiré vers eux, m'en rapproche doucement, porté par une pesanteur inconnue. Puis tout s'éclaire. Le mystère délie ses lèvres des miennes. Les motifs sont ceux du carrelage d'une très grande église. Il n'y a ni bancs ni autel. Seul le silence, encore lui, émane de l'édifice et résonne contre ses parois. Les motifs complexes du sol se mettent soudainement à tourner très vite, l'obscurité s'installe et m'éloigne d'eux, pour me replonger dans le noir complet. J'enlève mes mains de mon visage et réouvre mes yeux piquants. Le plafond blanc se jette à ma vue, vexé d'avoir été ignoré pendant de longues minutes. Je fais cette sorte de rêve eveillé depuis tout petit, ou l'existence s'étire autour de mois, puis m'écrase, et où le temps parait suspendu, laissant le mystère me noyer dans ses entrailles noueuses et recouvrir mes yeux d'une épaisse poussière aveuglante. J'étire mes longs bras et décide de me lever du lit. On m'appelle dans le couloir, j'entend mon nom. Je me dirige vers la porte et l'ouvre. Elle me gifle. Violemment, par suprise. Après m'avoir arraché cette couche de poussière qui m'empêche de parler et écarté mes yeux, elle me tend les bras et m'entoure, posant sa tête sur mon épaule. Sublime, elle se détache puis, lumineuse comme un soleil, celle qu'on nomme la Réalité se rapproche de moi, m'éblouit, et, solennelle, m'orne la tête d'une couronne dorée : Je suis l'Empereur de ma propre vie.